La logique victimaire des sciences humaines
Ce qui différencie les lettres
Ce court pamphlet n'exprime qu'un ras-le-bol très personnel. L'auteure ne prétend pas représenter un quelconque groupe, bien qu'elle croit décrire, peut-être illusoirement, un sentiment que partage ses collègues au bac en lettres et sciences humaines et ceux en études anglaises.
Les étudiants se réclamant des sciences humaines se plaignent de et dénoncent sans relâche le manque de reconnaissance, et conséquemment de ressources, dont ils sont victimes. Pourtant, toutes les sciences non appliquées partagent le même sort, qu'elles soient pures ou humaines. Pourquoi ce sectarisme alors?
Les lettres ne revendiquent rien parce qu'elles ne servent à rien. La littérature, comme tout art, ne produit pas de savoir, ne change pas le monde: elle touche un lecteur. La suite dépend dudit individu. Ainsi, la poursuite d'études littéraires est un geste purement égoïste, visant généralement la multiplication de ce geste égoïste par la création ou l'enseignement. Les lettres ne réclament rien puisqu'elles prennent sur elles la responsabilité de produire un impact, sans la médiation de dirigeants, d'experts ou de journalistes. Elles ont l'humilité de reconnaître qu'elles ne servent à rien, de s'en satisfaire, et même de s'y plaire.
La littérature et son étude n'ont rien à offrir à la société mis à part l'éveil de la subjectivité individuelle, une personne à la fois. Elles n'ont aucune recommendation objective à offrir concernant son gouvernement puisqu'elles ne formulent que des points de vue subjectifs sur une situation ou une position, avec pour objectif de susciter la réflexion personnelle. La littérature n'a sa place que dans l'éducation.
Les études littéraires ne peuvent que guider les intéressés dans le vaste monde des lettres. En effet, les littéraires peuvent conseiller quiconque, voulant réfléchir sur un sujet donné, sur les oeuvres à lire, tout en lui pointant différents aspects de la narration, des personnages, de l'écriture sur lesquels porter son attention. De plus, si la littérature doit induire une émotion, les études littéraires peuvent rendre compte du pouvoir des mots, un pouvoir qui ne se restreint pas à l'utilisation artistique de la langue, mais qui s'applique également à tous ses emplois politiques. Les études littéraires offrent donc aux autres universitaires, tout domaine confondu, des pistes de savoir.
Où se situent les sciences humaines? Que croient-elles offrir à la société, à l'individu?
Avant de revendiquer une égalité de reconnaissance, une égalité somme toute quantitative difficile à cerner, les soi-disant sciences humaines devraient se pencher sur la définition et le projet qu'elles veulent se donner, la place qu'elles veulent occuper dans les sphères collective et personnelle. Une fois un but dessiné, elles pourront revendiquer le droit d'occuper cette place et l'octroiement d'un financement conséquent.