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 Le rôle des universités

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Marie Léger-St-Jean

Marie Léger-St-Jean


Nombre de messages : 7
Age : 39
Localisation : Montréal
Date d'inscription : 30/09/2006

Le rôle des universités Empty
MessageSujet: Le rôle des universités   Le rôle des universités EmptySam 9 Déc - 15:23

Voici le plan d'une formation dispensée par Éric Martin, étudiant à la maîtrise en science politique à l'UQÀM. Je suggère qu'Éric soit invité à donner cette conférence durant notre série hivernale et qu'on songe fortement à en créer une position de la CALESH.

La dérive de l’éducation


    On dit souvent que l’éducation doit s’adapter aux « besoins » d’une société « complexe », « en accélération ».

    Cela soulève deux questions :

      De quelle société parle-t-on?

      L’éducation est-elle véritablement « en retard » vis-à-vis de la « réalité » économique qu’elle devrait dès lors s’efforcer de rattraper à toute vitesse?


    On a de plus en plus tendance à définir la « société » uniquement par « l’économie » et à faire des pressions fortes sur l’éducation pour qu’elle « s’adapte » à cette conception des choses.

    Auparavant, le mot « société » ne désignait pas l’adaptation à l’économie, mais plutôt la poursuite d’un projet, d’un modèle de civilisation qui était à la fois un héritage du passé et son dépassement vers quelque chose qu’on voulait construire.

    Dans cette conception des choses, l’éducation était vue comme un passage obligé pour que chacun puisse pleinement participer à la société et à la construction du projet commun.

    C’est donc dire que le projet éducatif faisait référence à une idée commune de ce qu’était et devait être la société.

    Cette idée générale de modèle de société était à la base de l’enseignement et devait être comprise par tous et toutes avant que l’on songe à donner des enseignements plus spécialisés ou professionnels.

    Ce modèle d’éducation s’est d’abord développé dans les universités, avant que le développement des réseaux primaires et secondaires permette de démocratiser l’accès à l’éducation.

    L’éducation supérieure est donc la « matrice », le « point de départ » où s’ancre le projet éducatif

    Un problème est survenu au moment de la révolution industrielle, qui fit du TRAVAIL le mode principal de participation des humains à la société.

    C’est là que le projet éducatif commença à être détourné vers la formation de main d’oeuvre.

    On a ainsi peu à peu délaissé l’idée selon laquelle l’éducation devait d’abord servir à transmettre un modèle de société auquel il fallait former les personnes.

    En éducation, la référence à un idéal commun de société disparaît de plus en plus pour être remplacée par l’adaptation aux besoins en main d’oeuvre d’un système économique dont le seul but est de faire le maximum de profit, tous les moyens étant bons pour arriver à cette fin.

    Pour maximiser son efficacité, l’économie doit en arriver à échapper aux mécanismes de contrôle qui la limitaient jusqu’ici : les structures politiques et les formes de solidarité collective ou moyens de redistribution de la richesse.

    Le projet de l’économie est d’éliminer les idées de société et de bien commun. Elle veut ainsi créer un espace où elle a le champ libre, sans aucune obligation, balise ou loi pour la limiter.

    Il n’y a alors plus de « société », mais seulement un espace commercial d’échange, où les relations sociales, les relation entre les personnes sont limitées à ce que chacun poursuive son intérêt économique personnel, individuel.

    Les personnes n’agissent donc plus en référence à un idéal commun de société ou dans le respect de règles culturelles communes.

    C’est en quelque sorte une loi de la jungle qui s’installe dès ce moment.

    Les individus, groupes, ou organisations (que ce soit des compagnies multinationales ou...des universités) entrent en compétition, en concurrence pour obtenir plus de ressources que les autres. Au plus fort et au plus efficace d’avoir la plus grosse part du gâteau.

    La « société » n’est plus qu’un système de rapports de force entre les organisations, un système fermé sur lui-même, qui bourdonne comme une ruche d’abeilles où tout le monde travaille sans remettre en question la façon dont les choses fonctionnent.

    On oublie l’idéal de civilisation dont l’institution d’éducation était la gardienne, dont elle assurait la transmission et la diffusion.

    L’éducation est réorientée pour être un lieu de renforcement de l’efficacité économique des investissements.

    Elle offre une série de formations qui sont au service des besoins de l’économie qui devient une fin en soi, refermée sur elle-même.

    Auparavant, le lieu de la politique était un lieu qui pouvait contrôler l’économie, qui lui était soumise. Le politique imposait des orientations à l’économie.

    Dans cette logique, l’éducation servait de lieu de transmission de la connaissance et de la culture venues du passé en même temps que de lieu de débat et de critique sur la direction et les buts de la société. Sa position la plaçait « au-dessus de la mêlée ».

    Maintenant, on assiste à une inversion : le lieu de la politique et le lieu de l’éducation sont soumis par l’économie qui s’en sert comme moyens. On peut donc dire que l’économie a éliminé l’éducation et le pouvoir politique, puisqu’ils ne sont plus que des instruments à son service.

    La mondialisation capitaliste utilise le travail intellectuel et les connaissances comme moyens de production pour faire plus de profit et pour assurer sa propre expansion.

    Alors qu’avant l’éducation créait un espace de réflexion qui permettait de prendre un recul par rapport à la société pour mieux se questionner sur son orientation, on « plonge » aujourd’hui l’éducation dans le système économique dont elle devient un des rouages.

    L’économie absorbe l’éducation, convertie en réseau de services de formation professionnelle ultra-spécialisés.

    Par exemple, au primaire, on enseigne aux jeunes l’approche par « projets », par « compétences » et par « objectifs », ce qui est tout à fait conforme au mode de fonctionnement de l’entreprise. L’élève n’apprend pas à réfléchir : il apprend des habiletés de résolution de problème en fonction d’objectifs stratégiques. Il y a même des écoles, sur le mode sport-études, où l’on enseigne l’entrepreneurship-études...

    En voulant former des humains stratégiques, efficaces, capables de s’adapter en toutes circonstances, la fameuse « économie du savoir » remet en question la place des humains dans le monde.

    Il s’agit de réduire les gens à leurs capacités d’adaptation et d’intégration, tout en leur retirant les capacités, les occasions, les lieux, les espaces pour débattre, penser, remettre en question et réorienter le cours des choses.

    C’est ainsi l’idée même de société, comprise comme une communauté qui partage un destin social, économique, politique et historique, qui devient problématique.

    L’éducation devient alors seulement le lieu de reproduction de la « réalité » implacable.

    Pour enrayer cette dynamique, il faut

      Réaffirmer le rôle de l’éducation comme service public.

      Reconnaître et étendre les liens de l’éducation avec la société (pas juste l’économie, mais le tissu social et culturel).

      Rattacher l’éducation aux luttes sociales. Cesser de crier au scandale idéologique chaque fois qu’il est question de discuter politique à l’école, comme si l’école n’était pas déjà l’objet d’un détournement par les forces de l’économie.


    Il faut amener sur la place publique le débat sur l’orientation actuelle de la société.

    Les intellectuels doivent cesser de se comporter en « experts » soi-disant neutres et reconnaître l’importance de leur engagement envers l’institution de l’éducation et envers la société.

    Il faut réaffirmer la liberté académique contre le pouvoir économique qui s’insinue jusque dans les établissements pour instrumentaliser l’éducation afin qu’elle devienne la « matière grise » qui coordonne efficacement le « corps » de l’économie compétitive.

    Il faut, enfin, affirmer haut et fort le droit de penser et le droit de chacun et chacune à participer à la recherche d’idées pour faire un monde meilleur.

    Puisque ce qu’il s’agit en définitive d’empêcher, c’est une vaste entreprise de déshumanisation du monde.

    L’éducation n’est pas une « machine à saucisses » qui forme des employés polyvalents et dociles. Elle est le passage obligé par lequel les membres d’une société en arrivent à s’identifier comme tels et à se doter des moyens de construire ensemble le monde qu’ils veulent habiter.


Sources :

FREITAG, Michel et Pineault, Éric (dir.), Le monde enchaîné. Perspectives sur l’AMI et le capitalisme globalisé, Nota Bene, Québec, 1999

GAGNÉ, G. (dir.), Main basse sur l’éducation, Québec, Nota Bene,

FREITAG, Michel, « Contre l’aliénation totale. L’assujettissement de l’éducation à l’économie globalisée », dans COLLECTIF ÉTUDIANT UQAM, L’essor de nos vies. Parti pris pour la société et la justice, Montréal, Lanctôt, 2000, p. 97-122
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